Au retour d'un séjour marquant à Berlin, Diane Meur, fidèle à son goût
pour les filiations, décide de mener l'enquête sur Abraham Mendelssohn,
banquier oublié de l'histoire, qui servit de pont entre le Voltaire
allemand et un compositeur romantique plus précoce encore que Mozart.
Mais comment ne pas remonter d'abord à l'origine, à Moses, le petit
infirme du ghetto, qui à onze ans maîtrisait Torah et Talmud, à quatorze
ans partit seul sur les routes rejoindre à Berlin un professeur
bien-aimé ? Comment, en pleines années 2010, ne pas se passionner pour
cet apôtre de la tolérance, grand défenseur de la liberté de culte et
d'opinion ? Et, accessoirement, père de dix enfants dont le banquier
Abraham n'était que le huitième... Happée par son sujet, l'auteur
explore cette descendance, la voit s'étendre au globe entier et aux
métiers les plus divers, jusqu'à une ursuline belge, des officiers de la
Wehrmacht, un planteur de thé à Ceylan. Même quand on est, comme elle,
rompue aux sagas familiales d'envergure, impossible de tenir en main
cette structure : l'arbre généalogique se transforme en carte, La Carte
des Mendelssohn, qui envahit d'abord la table de son salon, puis le
projet lui-même. Le roman devient dès lors celui de son enquête, une
sorte de Vie mode d'emploi où la famille tentaculaire apparaît comme un
résumé de l'histoire humaine. La romancière nous enchante par ses libres
variations sur les figures les plus tragiques ou les plus excentriques,
tout en nous dévoilant ses sources, sa chronologie, et en mêlant sa
propre vie à la matière de son livre. Tour de force d'un écrivain qui
jamais ne perd le nord, La Carte des Mendelssohn finit par mettre à mal
toute idée de racines, et par donner une image du monde comme un riche
métissage où nous sommes tous un peu cousins. Il est urgent de lire
Diane Meur. |