Seins et Oeufs de Mieko Kawakami

Date de publication : May 09, 2012 8:35:4 AM

La narratrice de ce roman se prénomme Natchan. Célibataire, elle vit à Tokyo. Au début du livre, sa sœur aînée Makiko, bientôt quarante ans et sa nièce Midoriko à peine treize ans, débarquent chez elle, lui imposent leur présence et plus précisément leurs problèmes. Car Makiko semble avoir profondément changé depuis que son mari l’a quittée. A Osaka, seule avec sa fille, une obsession s’est peu à peu emparée de tout son être : le projet de modifier son apparence en ayant recours à la chirurgie plastique est devenu pour elle le seul moyen d’aspirer à un bonheur nouveau, d’échapper à la haine de soi. Effarée par cet état d’esprit, Natchan espère apaiser sa sœur car l’idée même d’envier la poitrine opulente de certaines occidentales lui semble une hérésie. De son côté et depuis que sa mère lui a fait part de ce rêve envahissant, la jeune Midoriko ne lui adresse plus la parole ; murée dans le silence, l’adolescente tente de vaincre le dégoût que lui inspire cette folie maternelle. A Tokyo, pendant que les trois femmes s’observent mutuellement, la métropole japonaise souligne l’anonymat et la solitude de chacune. S’instaure alors un mode d’écoute et d’attention plus neutre, peut-être plus sensible : dans le tout petit appartement de Natchan, le poids des fantasmes de chacune, personnalité et génération confondues, s’allège lentement. Ce livre percutant et provocant sur les dérives de la féminité est écrit par une Japonaise de trente-cinq ans, diplômée de philosophie, musicienne, actrice et romancière, élue “Femme de l’année 2008” par le magazine Vogue Japan. Un sujet peu développé dans la littérature japonaise où le fantasme de la féminité, ses dérives et ses excès s’effacent derrière l’image donnée d’une sensualité extrême, d’une conscience du corps silencieuse, voire spirituelle. Un livre d’une justesse de ton incontestable, qui explique son succès au Japon.